samedi 1 novembre 2014

DIVERS par Adam Biro

Plusieurs personnes m’ont fait remarquer que si la « vieille dame » de mon billet de septembre se souvenait d’une enfance heureuse pourtant misérable, c’est… parce que c’était son enfance. Se sentait-elle heureuse sur le moment ? Le passé s’entoure-t-il toujours d’un halo rose — et la jeunesse se suffit-elle d’elle-même pour créer le bonheur ? Peut-on être heureux à retardement, peut-on se souvenir heureux en niant une réalité collée au moment et en excluant l’invasion du présent ? Moi, qui mâchouille inlassablement mon passé comme un chewing-gum indestructible, je n’ai pas d’avis, ou plutôt j’en ai, mais plusieurs, divers, complexes voire confus, sans forme ni consistance, comme ce même chewing-gum. « Le passé est un pays étranger ; les choses y sont différentes ». C’est avec cette phrase que débute le magnifique film de Joseph Losey, Le Messager.
Quant à mon billet d’octobre consacré aux lettres de Simone de Beauvoir à son amant américain Nelson Algren, j’ai quelque chose à rajouter : les correspondances et les journaux intimes, les vrais, pas les réécrits-trafiqués sont les seuls livres qui s’écrivent sous nos yeux, où le lecteur découvre l’intrigue, les événements en même temps que les auteurs qui, eux, en écrivant, ignorent encore tout du dénouement. Voire : je peux connaître la fin de l’histoire, l’arrivée, pendant que les protagonistes sont encore en train de gravir les marches du temps.
Par ailleurs, ce billet a provoqué un grand nombre de réactions, prouvant que le personnage est toujours au devant de la scène, qu’elle a marqué et son époque et nous, de la classe suivante, que nous sommes vraiment « de la génération Sartre-Beauvoir-Camus ». Des amies parlent d’elles-mêmes. Certaines se disent flouées par l’« icône S. de B. ». « On peut reconsidérer cette Grande Dame sous un aspect plus charnel, une vraie femme, prête à se livrer pieds et poings liés à son homme. Mais on peut aussi ressentir une certaine amertume, celle d'avoir été flouées, trompées par une Icône, championne du féminisme qu'on imagine mal en train de prendre du plaisir à faire la cuisine et la lessive pour un homme qui lui inspire l'envie de surcroît de se marier, elle la Femme Libre et Libérée par excellence. » Une autre : « Quand même, cette femme qui nous a bassinées avec sa liberté d’aimer, de ne pas avoir d’attaches, de vivre ce qu’elle voulait... et qui après tout était comme nous toutes ! Amoureuse, voulant repasser les chemises de “son homme”, n’ayant qu’une envie celle de s’envoyer en l’air le plus souvent possible avec lui… Bref, je me suis sentie flouée !!! » D’autres ne sont ni choquées ni révoltées : « Pour moi, elle incarnait l'idée d'une liberté à conquérir. Son emprise comme icône sur ma conscience féminine était faible. Je n'ai jamais partagé les revendications d'un féminisme militant. J'ai retenu de ses écrits le cheminement d'une femme vers son émancipation ; mais l'émancipation était pour moi par définition individuelle. L'opinion publique féministe a porté Simone aux nues, et elle a jeté à la poubelle Hannah Arendt... Avec du recul, je constate combien elles étaient pleinement femmes, comme nous, juste un peu plus intelligentes. Simone, une femme engagée, debout, aux côtés d'un homme qui se mêlait des grandes affaires de ce monde... à quoi aspirait-elle en son for intérieur ?  à vivre pleinement sa féminité, être femme et écrivaine. C'est un bel exploit - à mes yeux. »
Quelques amis m’ont rappelé le passé érotique trouble de Simone : « Certes cette passion amoureuse nous ravit et redore notre image de SDB quelque peu ternie par les révélations sur sa conduite un tant soit peu perverse envers des adolescentes qu'elle séduisait pour les envoyer à Sartre. » Ou son passé politique, tout aussi erratique : « Cela m'a procuré un véritable dégoût car j'ai retrouvé le double discours des opportunistes politiques. »
Un grand merci à mes lectrices et lecteurs.

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Auto-pub
Je viens d'écrire un polar sans prétentions, tout simplement génial, Cadavres noirs sur fond rouge. Au centre de ce roman noir se trouvent l’œuvre et le destin tragique du peintre Kazimir Malevitch, auteur du célèbre Carré noir sur fond blanc (1915), né à Kiev, Ukraine, en 1879, et mort misérablement à Leningrad, Union soviétique, en 1935. Nous sommes dans l’épaisseur de la vie, « une histoire racontée par un idiot, pleine de bruit et de fureur, et qui ne signifie rien ». Cette phrase est de Shakespeare et non pas du commissaire de police Liotard qui a encore beaucoup à apprendre. Sur l’art, la littérature… et sur la vie, précisément. Ce modeste petit chef-d'œuvre (immortel) a été publié par Cohen&Cohen éditeurs à Paris (diffusion Interforum) dans la collection ArtNoir. Il est en vente dans toutes les bonnes librairies ou sur le site de l'éditeur http://www.cohen-cohen.fr/#!boutique/c14df ou encore sur Internet si vous ne pouvez vraiment pas faire autrement…

adam biro
novembre 2014
biroadam4(AT)gmail.com

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